Le paradigme théologique du cri de l'homme de Jean-Marc Ela nous amène finalement à la conviction qu'un continent évangélisé se perçoit dans sa capacité d'écoute et d'accueil des plus fragiles. La vie sociale devient donc le baromètre qui donne un indice de perception de la foi des personnes vivant de cette société et l'existence sociale devient ainsi le reflet et le miroir du degré de foi individuelle. Une vie de foi librement et consciemment assumée se vérifie dans sa capacité à transformer l'existence sociale.
En Afrique, Jean-Marc Ela est l'un de ceux qui ont assigné une mission de libération ou de salut intégral à la théologie. Cet éminent homme de culture a su mener la réflexion et la recherche théologiques d'une manière contextuelle et ce, à partir de la Bible, de la Tradition de l'Eglise et des réalités de la société africaine. Ce prophète de notre temps, à l'instar de son Divin Maître, n'a pas fait l'unanimité. Ses écrits, ses prises de position et son engagement aux côtés des pauvres lui ont valu l'exil et la mort en exil.
Est-il possible que le Christ soit nostalgique de son séjour terrestre malgré sa « fin » tragique ? Cette hypothèse d’un poème de Jorge Luis Borges aurait probablement plu à Jean-Marc Ela dont le parcours sacrificiel s’est achevé en 2008 dans la douleur de l’exil et le silence grisâtre de l’hiver canadien. Théologien insoumis, sociologue incandescent et penseur transversal, Ela a mené une vie ascétique dans l’allégresse du don de soi. Il n’avait jamais cessé d’aimer son Afrique à laquelle il avait si mal. En formulant une demande radicale d’humanité pour l’Afrique des villages, des bidonvilles et des exclus, Ela a esquissé et mis en pratique une éthique de la transgression et une esthétique de la compassion. Il en a payé le prix, dignement. Oui, la dissidence intellectuelle se paie cash, surtout dans les lieux où les pouvoirs religieux et politiques imposent des spiritualités dogmatiques. Ni l’inflation des douleurs, ni les persécutions sournoises, ni la violence muette n’ont cependant empêché cet esprit indocile d’enfreindre les vérités rigides du religieux, de l’économique, du politique et du social. Ela a accédé à « l’immortalité cosmique » – celle que seuls confèrent l’oeuvre qui reste, les actes posés, les manières d’être et les souvenirs incrustés dans le subconscient collectif. Son travail prophétique interroge la vaste accumulation du passé, décloisonne les savoirs et trace les horizons avec une espérance poignante. Comme la forêt innombrable du sud-Cameroun dont les nuances ne peuvent être répertoriées, son oeuvre énonce un nombre infini de sens. Cet ouvrage n’ambitionne donc pas d’en offrir une exégèse. L’objet ici est plus circonscrit : éclairer le parcours de l’homme, ouvrir quelques fenêtres sur sa parole et la porter au-delà des amphithéâtres et des conclaves théologiques.
À travers une perspective christologique, l'auteur passe en revue les thématiques majeures du théologien Jean-Marc Ela, trop peu connu en Afrique par les jeunes étudiants en théologie et les chrétiens africains. En soulignant les points essentiels de la théologie de Jean-Marc Ela, l'auteur montre l'actualité de la théologie africaine de la libération, qu'il indique comme un paradigme de réflexion, d'engagement et d'action pour les chrétiens africains.
Repenser la foi en tenant compte du poids de notre histoire est une affaire grave. En gardant les yeux fixés sur les liens qui existent entre l'homme africain et la Passion de ce juif palestinien que l'on a exécuté en le pendant au bois (AC 5,20), il nous faut courir le risque de comprendre le mystère de Dieu en assumant les questions posées aux Eglises d'Afrique par des hommes et des femmes qui se demandent en quoi Dieu les concerne dans les conditions dramatiques où ils vivent aujourd'hui.
Ce qui rend ce livre très intéressant pour les publics du Nord et du Sud, c’est qu’il présente, non seulement Jean-Marc Ela, mais une théologie du Sud au Nord. Cette présentation constitue aussi, pour nous du Sud - et particulièrement dans le monde protestant francophone - un reflet de notre pensée. Ainsi, l’ouvrage de Dubois devient l’un des rares miroirs du Nord, dans lequel l’Africain peut se voir et s’écouter par une médiation autre que lui-même (...). Nous pensons, avec l’auteur, que cet ouvrage sera, avant tout, le véhicule de l’information et de la conscientisation, qui permettront des nouveaux débats quand ils ne renouvellent pas ceux qui existent déjà dans nos Églises, entre nos Églises. Des réflexions qui aboutissent à des nouveaux engagements, qui tiennent compte du dialogue interculturel et d’une théologie, qui se voudra de plus en plus unitaire parce que plurielle, et plurielle dans la volonté de concertation des théologiens et des Chrétiens. Africains, Européens, Chrétiens et autres, chacun trouvera un intérêt certain à lire cet ouvrage, comme un bon outil de dialogue et d’engagement. Puisse-t-il devenir une contribution pour un nouvel ordre théologique et, surtout, dans le monde protestant francophone. Un nouvel ordre, dans lequel la diversité exprimera les dons du même Esprit. David Dubois aura été, grâce à cet ouvrage et son engagement, le précurseur de cette nouvelle compréhension de l’Ascension et de Pentecôte.
Jean-Marc Ela est décédé au Canada le 26 décembre 2008. Il nous laisse une oeuvre importante en sciences sociales et en théologie, le témoignage d'un homme engagé dans son temps et la mémoire d'un prophète dont ont besoin tous ceux qui croient à l'avenir de l'Afrique. Karthala réédite Ma foi d'Africain paru en 1985, épuisé depuis une dizaine d'années et qui reste un classique de sa pensée."Les réflexions que je propose ici sont nées d'une pratique de terrain parmi les paysans africains confrontés à la famine, à la sécheresse et à la maladie. Longtemps mêlé à la vie des villages écrasés par le poids des injustices et des frustrations profondes, j'ai été amené à partager les difficultés et les interrogations des communautés qui s'éveillent à l'écoute de la parole de Dieu. Devenu leur compagnon, [...] il m'était impossible de considérer un aspect de la foi sans rechercher son impact sur la vie des paysans marginalisés. Au milieu des ocntraintes et des tensions, des incompréhensions et des menaces, l'Eangile devient alors une source d'eau vive où nous puisons la force pour marcher en avant. Il éclaire les grandes questions de l'existence et nourrit l'espérance des pauvres. Cette lecture de l'Evangile avec les yeux du petit peuple constitue l'arrière-plan de toute ma démarche." Jean-Marc ELA
Le premier cri de l'homme qui monte vers Dieu est un cri de détresse et de meurtre, et donc un cri dramatique : celui d'Abel contre son frère Caïn qui le massacre. Caïn, par cet assassinat historique de son frère a ouvert la voie de toutes les misères et les horreurs que l'homme puisse commettre. Ce livre veut rendre hommage à Jean-Marc Ela, qui, il y a quarante ans, a ouvert la voie de la théologie africaine de la libération en faisant entendre sur la place publique le cri de l'homme africain que les gouvernants étouffent par l'oppression, le pillage et l'appauvrissement.
La pauvreté, la famine, la répression manifestent l'absence de pouvoir et de parole qui caractérise la condition présente des peuples noirs. Dans cet ouvrage, l'auteur s'interroge sur les enjeux d'une foi d'Africain décidée à assumer les défis, les drames et les conflits de la société africaine. Ces défis obligent les communautés d'Evangile à réévaluer leur style d'existence et à participer aux efforts de résistance à toute forme d'oppression.
On constate une "flambée" de foi, aussi bien chrétienne que musulmane, au fur et à mesure que les crises s'intensifient en Afrique subsaharienne. Mais les incohérences constatées, au sein même de nos communautés chrétiennes où la passivité va de pair avec l'ataraxie ne permettent pas un optimisme béat. Dieu est pris en "otage" par des hommes qui Lui donnent des visages selon leur convenance et leurs intérêts. Face à cette défiguration du visage de Dieu, il est urgent d'aider les chrétiens africains à retrouver le vrai visage de Dieu.